le 18 Décembre 2017

L'ostéopathie française a connu de grands changements ces dernières années, aussi bien sur le plan législatif, que démographique ainsi que plus récemment dans le domaine de la formation. Néanmoins, l'évaluation clinique de notre pratique reste un point encore peu exploré à ce jour.

Est-il possible de définir, de circonscrire notre activité à l'épreuve d'un formalisme scientifique?

Cette question est outrageusement délicate et les avis sont souvent tranchés et rarement argumentés.

Entreprendre d'y répondre serait faire preuve d'une arrogance présomptueuse, mais se contenter de l'interroger nous conduirait sans doute dans une rhétorique sans intérêt.

Pourquoi développer l'approche scientifique et la recherche en ostéopathie?

La recherche est une activité intellectuelle développée pour comprendre un phénomène. Que ce soit pour comprendre le fonctionnement de la cellule, d’un organisme, d’une espèce, d’une société, de l’environnement, du vivant, de l’univers mais aussi les domaines qui ne relèvent pas de l’observable, comme les mathématiques ou la philosophie... Pour répondre à ces questions, il est d’usage de mener des travaux, des études afin de confronter et de valider ou non les hypothèses émises et ainsi faire avancer notre compréhension. Parmi les hypothèses envisagées, certaines s’avéreront justes et d’autres fausses. L'investigateur qui a évoqué des hypothèses qui se sont révélées fausses n’est pas moins utile que celui qui a imaginé des hypothèses vérifiées. Comme le disait Antoine de Saint Exupéry : "La vérité de demain se nourrit de l'erreur d'hier". L’histoire des sciences est jalonnée d’exemples où des hypothèses vraies se sont révélées inexactes au fur et mesure de l’évolution des connaissances. Même si certaines théories ne résistent pas face à l’épreuve du temps, elles ont le mérite de déclencher un débat, une réflexion. Toute démarche permet d'améliorer le modèle initial. Pouvons-nous procéder de même avec l’ostéopathie? Sommes-nous prêts à remettre en cause notre héritage historique et nos concepts pour avancer dans la connaissance de notre thérapeutique? Entendons-nous bien, en aucun cas il n’est question de mettre en place des protocoles de soins standardisés, mais au contraire, d'évaluer scientifiquement le concept d’ostéopathie au regard de sa définition.

Andrew Taylor Still a découvert l'ostéopathie et développé ses principes et les pratiques de cette approche thérapeutique. C'était un visionnaire, un philosophe, un médecin et un innovateur du 19ème siècle. Pour ceux d'entre nous qui utilisent les principes de l'ostéopathie et la pratiquent quotidiennement auprès de nos patients, le Dr Still est une figure importante et le père fondateur de notre pratique.

L’ostéopathie est un concept thérapeutique personnalisé dans lequel le praticien essaye d'agir manuellement sur l'origine des symptômes et adapte sa prise en charge à la situation clinique de son patient.

En 2010, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié un document intitulé " Benchmarks for training in osteopathy – Repères pour l’enseignement de l’ostéopathie". Dans ce document l'OMS définit notre profession sur la base des trois principes de l'ostéopathie:"L'ostéopathie offre une large gamme d'approches dans le maintien de la santé. L'ostéopathie se fonde sur ces principes de traitement et de gestion des patients:

- l'être humain est une unité fonctionnelle dynamique, dont l'état de santé est influencé par le corps et l'esprit;

- le corps possède des mécanismes d'autorégulation et est naturellement auto-curatif;

- la structure et la fonction sont interdépendantes à tous les niveaux du corps humain."

En 2014, l’ostéopathie a été définie dans le référentiel d’activités et de compétences publié au bulletin officiel du Ministère de la Santé : "L’ostéopathe, dans une approche systémique, après diagnostic ostéopathique, effectue des mobilisations et des manipulations pour la prise en charge des dysfonctions ostéopathiques du corps humain. Ces manipulations et mobilisations ont pour but de prévenir ou de remédier aux dysfonctions en vue de maintenir ou d’améliorer l’état de santé des personnes, à l’exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agent physique. "

Pour certains ostéopathes notre métier serait une science, alors que pour d'autres, il serait un art ou un mélange des deux. Un artiste est par définition un technicien qui doit maîtriser les techniques de sa pratique pour élaborer un travail ou une œuvre. Il créé des pièces uniques, celles-ci n'étant jamais parfaitement reproductibles à process et techniques identiques. Un scientifique base son travail sur la logique et la raison plutôt que l'émotion. Le processus suit une logique qui passe de l'observation, à la prévision, au test puis s'il apparaît des relations invariables dans les résultats, il peut soupçonner l'existence d'un principe liant ces résultats entre eux. Les résultats sont reproductibles à l'identique avec les mêmes techniques dans les mêmes conditions. Cette reproductibilité permet une réciprocité du système d'évaluation pour inversement, partir d'un concept et le tester expérimentalement.

Nous avons créé en janvier 2017 l' Union pour la Recherche Clinique en Ostéopathie (URCO) pour tenter de répondre à cette demande avec des professionnels ostéopathes pratiquant uniquement l'ostéopathie. L' URCO est un outil logistique mis à la disposition d'ostéopathes curieux d'évaluer leur pratique. Notre objectif est de développer l'évaluation scientifique, de recueillir des données sur l'ostéopathie en général. Ce travail est essentiel pour mesurer les différents aspects de notre profession et ainsi lister les effets, l'efficacité et la sinistralité, identifier les prérogatives et les limites de notre discipline, mieux informer les usagers et les pouvoirs publics et développer les axes de recherche.

L' URCO est libre de tout conflit d'intérêts. A ce titre, elle est indépendante de l'ensemble des associations socioprofessionnelles, des organismes encadrant l'ostéopathie et des établissements de formation. L' Union pour la Recherche Clinique en Ostéopathie est une association loi 1901 et ses membres sont tous bénévoles.

Nous avons développé ce journal pour aborder différentes thématiques en lien avec les dossiers scientifiques, les sondages et les études cliniques en ostéopathie allant du patient à l'ostéopathe. Je tiens à remercier les membres de l' URCO pour leur extrême patience et leur détermination durant tous ces mois, mais aussi pour leur investissement dans l'élaboration et la participation à notre étude logistique pilote en 2016. Le 11 décembre 2017 marque, quant à lui, la réception de l'avis favorable de notre premier projet de recherche par le Comité de Protection des Personnes d' Ile-de-France X. Nous vous apporterons plus de détails dans une édition prochaine.

Toute l’équipe de l’URCO se joint à moi pour vous souhaiter de merveilleuses fêtes de fin d'année.

Hervé Godfrin